L’heure du numérique permet à tout musicien en herbe d’enregistrer ses propres compositions dans sa chambre. À quoi peut alors encore bien servir un studio d’enregistrement professionnel ? Réponse : à faire des livres !
C’est en tout cas l’une des pistes qu’a suivie Alain Boulard pour relancer l’activité de son studio d’enregistrement créé en 1974. Une reconversion initiée par un projet porté par le comédien Yves Belluardo. En 1998, ce dernier souhaite enregistrer une lecture de 4, rue Choron, un texte de Cavanna, pour une association de mal-voyants. Alain Boulard accepte l’idée de ce livre audio, CDL Éditions voit le jour.
Plus qu’un second souffle, le livre audio, très chronophage, devient vite l’unique activité pour le studio. « Pour une heure de lecture, il faut compter deux à trois heures de travail, puis quatre à cinq heures de montage », précise Alain Boulard. Sachant qu’un roman de trois cent pages exige environ neuf heures de lecture, ça laisse une idée du temps de travail passé sur chaque ouvrage. Même si le numérique a permis d’accélérer la cadence, « le livre audio est une activité assez peu rentable ». D’autant plus que la concurrence est de plus en plus rude.
Avec l’avènement du numérique en effet, le livre audio, moins coûteux à produire, est devenu intéressant pour les gros éditeurs, qui captent toutes les meilleures ventes pour leur adaptation audio. Impossible aujourd’hui, pour CDL éditions, d’adapter par exemple un roman d’Amélie Nothomb, alors que la maison avait publié Stupeurs et Tremblements il y a quelques années.
Pour pallier cette difficulté, Alain Boulard reste à l’affût des médias prescripteurs, mais aussi de ses relations, pour obtenir les droits de textes susceptibles de séduire un public de niche, mal-voyants et non-voyants principalement, mais pas seulement, puisque de plus en plus de gens « écoutent des livres » dans le métro ou en faisant leur jogging, faute de temps pour les lire.
Quel rentabilité pour le livre audio ?
Le livre audio, une activité peu rentable, c’est-à-dire ? Difficile de donner un chiffre précis mais, après avoir obtenu de l’éditeur papier les droits pour l’adaptation audio (entre 600 et 1 500 €), rétribué le comédien chargé de la lecture (entre 500 et 1 700 € en fonction de la taille de l’ouvrage), payé les frais de studio (enregistrement et montage), les frais de fabrication (CD, boîtier, imprimerie, emballage, etc.), les frais de distribution (qui représentent 60 % du prix de vente) et les dépenses liées à la promotion, il reste un « gros 10 % » pour CDL Éditions et un seuil de rentabilité qui se situe autour de 500 exemplaires vendus.