Avec Le baiser du ramadan, la nantaise Myriam Blal se penche sur la question des mariages musulmans – non-musulmans, le sien ainsi que ceux d’autres couples. Comment concilier respect, héritage culturel et son propre chemin ? Lecture d’Élisabeth Sourdillat.
Lisez et faites lire ce récit secouant, car on reste sidéré par ce que Myriam Blal vient nous faire partager. À voir cette belle jeune femme qui a tout d’une gagnante on ne se doute pas des abîmes de souffrance morale qu’elle a dû traverser tout simplement parce qu’elle est tombée amoureuse, et puis qu’elle a eu un enfant. On n’imaginait pas à quel point en 2018 il est encore impossible à une femme musulmane de vivre avec un non-musulman sans payer le prix fort.
Comment raconter cette question du point de vue de la femme, la fille, la mère, l’épouse qu’elle est, mais aussi de la journaliste qui enquête et questionne le dogme ? Le choix du “je” permet d’aborder frontalement les questions en toute légitimité pour donner un bon coup de pied dans la fourmilière. Courtes vignettes comme des photographies, dotées d’un titre (“La Mère, la Mère, la Mère”, “Les idiots”), on passe de scènes de vie en France ou en Tunisie à des dialogues ou des moments plus introspectifs, toujours avec de l’humour, de la pudeur et un rythme qui évitent de plomber la lecture. Concilier respect, héritage culturel et son propre chemin.
Partant de son enfance où sont posés les fondamentaux de la pratique religieuse de ses parents, qui gendarment la vie quotidienne, on la suit adolescente révoltée puis adulte prise d'un sentiment de dissociation permanent, tant sont irréconciliables ses deux cultures et inévitable la transgression. L’enfer semble atteint lorsque Myriam veut se marier à son amoureux catholique : une femme musulmane a interdiction d’épouser un non-musulman. Querelle byzantine toujours d’actualité, nous laisserons le lecteur suivre Myriam Blal dans son enquête pour comprendre les fondements de la règle puis avec son compagnon trouver une solution en forme de compromis pour réconcilier deux religions. Chemin faisait, elle dénonce ce qu’elle appelle “une réalité cachée”, via le pouvoir des imams et des théologiens, l’imposture de la fausse conversion (la “chahada administrative”) incitant chacun à réfléchir au sens de rites qui ne sont pas inscrits dans les textes et aboutissent à créer un sentiment de cul-de-sac. Elle salue en passant les solutions cherchées par l’Église catholique.
On en conclura avec elle que, comme toujours, la solution vient en faisant confiance à l’humain, en l’occurrence les femmes, les association de couples mixtes, bref, ceux qui ont une vraie connaissance de la question. En attendant que les lignes bougent car, comme le souligne l’auteure, il s’agit d’un problème de société et non d’une anecdote, car “les couples comme les nôtres vont se multiplier”.
Le baiser du ramadan, de Myriam Blal, Bayard, 163 p., 16,90€, ISBN : 2227492279