Guy Bellay est mort à Nantes le samedi 26 septembre 2015. Il avait 83 ans.
Poète remarquable, il était d’une discrétion totale, voire exagérée, refusant par exemple toute interview ou considérant une lecture publique comme une mondanité, auteur d’un symptomatique Les Curieux ne me verront pas (dossier mis en chantier par Gilles Pajot avant sa disparition en 1992, repris et achevé par Christian Bulting, Éditions À Contre-Silence, janvier 1998 – choix de textes, critiques et témoignages de Gilles Pajot, Albane Gellé, Georges Cathalo, Henri Deluy, Daniel Biga, Christian Bulting et Bernard Bretonnière). Ami de René Char, de Georges Mounin, de Georges-Louis Godeau, de Daniel Biga ou de Franck Venaille,
Guy Bellay avait principalement publié, en marge de son métier d’instituteur, Bain public (P.-J. Oswald, 1960), Bain public II (P.-J. Oswald, 1968), Restez, je m’en vais (Saint-Germain-des-Prés, 1975) et La Liberté, c'est dehors (avec une préface de Georges Mounin, Saint-Germain-des-Prés, 1984). Des anthologies et des revues avaient également accueilli quelques-uns de ses textes : Parler, La Corde raide, La Nrf, Chorus, Action poétique, La Nouvelle Critique, Zone, Triangle ou Poésie 1 (notamment le numéro12, de juillet 1970, avec neuf poèmes alors inédits).
C’est par humilité sans doute que Guy Bellay n’avait pas trouvé d’éditeurs à sa mesure, s’adressant aux spécialistes rien de moins que douteux des « petits poètes » ou poètes débutants qui pratiquaient sans vergogne le compte d’auteur (auquel il échappa peut-être). Mais en 2002, les très recommandables Éditions du dé bleu avaient opportunément repris ces quatre minces volumes, publiant Les Charpentières, anthologie 1960-1984.
Daniel Biga, soucieux de faire connaître la poésie trop peu mise en lumière de son ami, avait précédemment fait paraître Avez-vous lu Guy Bellay ? (L’Osier blanc, 1993). On rappellera également l’article de Georges Mounin Pourquoi Guy Bellay ? paru dans Vocatif dès 1985 et repris dans Interlope la Curieuse en 1990. Enfin, dans le n° 21 de la revue Texture (été 1985), numéro préparé par Georges Cathalo et Michel Baglin, Lire Guy Bellay.
Humaniste inflexible, d’une honnêteté intransigeante (« Je ne rends des comptes à personne pour des B.A. littéraires »), marqué par la guerre d’Algérie et son désir d’insoumission, Guy Bellay avait exprimé sa révolte dans plusieurs poèmes – il n’écrivait pas « sur des souffrances inventées ». Mais jamais il ne cédait à la colère :
« Être cousu avec des nerfs de chat ne justifie pas sa colère. »
Poète exigeant, peu prolifique, et moins prolixe encore, il semblait avoir fait sienne cette phrase de René Char : « Le poète se remarque à la quantité de pages insignifiantes qu’il n’écrit pas. » Guy Bellay remarquait encore : « Ce n’est pas écrire qui est désespérant, c’est le vide entre deux émotions. [...] peut-être n'avais-je que trente-deux poèmes à écrire ». Et : « Ce qui me reste de turbulence me fait préférer des kilomètres de ville ou de montagne, une rencontre à une page d’écriture, fût-elle la plus belle. » Dans La Liberté, c’est dehors, il écrivait cet « Avant dernier poème » :
« Maintenant je suis un poète sans substance. Je relis de vieux textes dans le silence d’émotions mortes. Je suis un homme âgé qui ne sait plus quoi écrire et que la création seule justifiait. L’enthousiasme ne s’invente pas. Des tempêtes ont abattu ce qu’il y avait à briser en moi. Je vis dehors. Je vais au-devant de je ne sais quoi, une rencontre, comme au début, lorsque j’attendais tout et que ce fut la vie qui vint. »
Le 14 mai 2003, la Maison de la Poésie de Nantes lui avait consacré une lecture, en sa présence, au Pannonica. À cette occasion, Daniel Biga l’avait présenté ainsi (texte repris dans Gare maritime 2004) : « La poésie de Guy Bellay ne se conçoit qu’en relation immédiate avec l’émotion. Autrement "À quoi bon ?" Cette œuvre importante, discrète, acérée, lumineuse comprend à peine quatre recueils. quatre minces livres en quarante ans. Soit un tous les dix ans ! […] Une œuvre refusant tout apparat, si honnête, si sobre, si pudique, si éloignée des mondanités – même des plus innocentes ! – qu’elle est méconnue de beaucoup. Et elle aurait pu même passer inaperçue (nous en connaissons d’autres exemples) si quelques vrais amateurs de la poésie nécessaire n’avaient su la reconnaître à sa valeur juste, c’est-à-dire parmi les essentielles. »
L'édition 2015 de MidiMinuitPoésie lui est dédiée, à l'initiative d'Alain Girard-Daudon, président de la Maison de la Poésie de Nantes.